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Les Maîtres de l'Univers

by Jean-Pierre Putters, Mad Movies, n°50, November 1987

Au space-opéra ce soir, les décors sont de Gary Goddard. Son sens du délire visuel nous ouvre les portes d'un nouveau monde merveilleux où le Bien et le Mal s'affrontent encore. Que le grand spectacle commence !

Pas de doute, Les Maîtres de l'Univers cherche avant tout à créer un mythe cinématographique. Il prend donc une valeur sûre au départ, les célèbres jouets Mattel, mondialement connus des tout petits, et même des plus grands (par exemple, quand votre petit frère décide absolument de déployer son château des ombres sur la table du salon !). C'est dans cette optique qu'il faut considérer l'aspect visuel du fIlm qui se réduit surtout à une série de décors revenant en alternance ; le palais de Skeletor, la surface sombre d'Eternia, le quartier de la petite ville américaine où seul un policier a pris conscience qu'il se passait quelque chose d'étrange dans les rues.
Plus fort que toutes les invraisemblances scénaristiques parsemant l'aventure, il y a surtout cette théâtralisation poussée à l'extrême où les caractères se cantonnent au schématisme le plus standard et où les enchaînements s'apparentent à de véritables levers de rideau. En fait, nous sommes à l'opéra, avec ses décors frappe à l'œil et ses tableaux successifs, ses gentils héros et ses sombres méchants, ses retournements de situations et ses récits plein d'emphase. Il y a de l'exagération dans Les Maîtres de l'Univers, de la naïveté, des conventions et des incohérences, tout comme à l'opéra, au space-opéra devrais-je dire.
L 'oeuvre de Gary Goddard, ce concepteur habile de mondes merveilleux pour Universal ou Disney, s'apparente au Flash Gordon de Laurentiis, cet autre marchand de grosses pâtisseries. On y trouve de beaux décors plein de couleurs rutilantes et de costumes clinquants. C'est le look du fIlm qui lui donne son identité, qui le justifie. Comme un produit à vendre, très beau de l'extérieur, tonitruant et cherchant à impressionner le badaud par la seule perception des sens, sans que la raison ait besoin de porter le moindre jugement. Du spectacle pour le spectacle et rien que cela, destiné à la consommation immédiate. C'est une forme artistique qui se développe avec la méthode clip: on en prend plein les yeux et plein les oreilles mais on ne s'en trouve pas plus intelligent pour cela à l'arrivée.
L 'histoire ne revêt plus vraiment d'importance. Il ne s'agit que d'une trame conventionnelle et connue de tous. Comme au guignol, lorsque les enfants savent pertinemment ce qui va se passer sur scène et où ils peuvent reconnaître immédiatement les personnages.
Le héros est super-beau, un regard fier et franc et généreux. Il se veut aussi altruiste et courageux, sachant se sacrifier pour ses amis et se battre pour la liberté (arrêtez, je meurs...).
Le méchant n'est pas beau, il est inquiétant, cupide, cruel et ambitieux ; sa soif de pouvoir n'est que la quête d'une puissance dont il va pouvoir user pour faire le Mal.
Les autres personnages se rangent, selon leur emploi (faire-valoir, comique, traître, etc.) dans un camp ou dans un autre, et ils n'ont finalement plus beaucoup d'importance; tout du moins lorsqu'ils sont aussi peu dessinés que ceux qu'on nous présente ici. A cet effet, on pourra aisément faire une comparaison rapide avec ceux des Star Wars, attachants, complexes et utiles à l'action. Ici, seul le flic possède son autonomie, balloté qu'il est d'un camp à l'autre et tirant sa force comique dans le fait qu'il n'a rien compris à ce qui se passe et qu'il se situe toujours en complet décalage par rapport à l'action.
Voilà ce qu'on peut dire des Maîtres de l'Univers. Le scénario n'existe pas (et on vous l'a déjà raconté); le caractère des personnages n'existe pas non plus (seuls Skeletor, magistralement interprété par Langella, et le flic s'avèrent cliniquement vivants), le récit déborde d'anachronismes à force d'exploiter trop d'autres choses (La Guerre des Etoiles, évidemment, mais aussi Conan et Dark Crystal). Alors on se déplace pour les très beaux décors, des effets spéciaux parfois très réussis (le vol des guerriers au-dessus de la ville américaine), des éclairages bien étudiés et la victoire finale du Bien sur le Mal (mais ne ratez pas la séquence post-générique).
Sinon, Dolph Lundgren nous inquiète un peu : dans Rocky IV il ne faisait rien mais il était génial, ici il ne fait rien non plus mais il est nul, allez comprendre...

Jean-Pierre PUTTERS

 

Entretien avec Dolph Lundgren

by Alain Charlot et Marc Toullec, Mad Movies, n°50, November 1987

Mad Movies : Le cinéma s'est présenté comment pour vous?
Dolph Lundgren : J'ai pris la décision à l'université, parallèlement à mes études d'ingénieur à Boston. Je pratiquais de nombreux sports. Notamment le football américain et l'athlétisme, mais je ne voulais pas être un athlète. De plus, j'ai toujours été intéressé par les Arts, la peinture, la musique... Lorsque quelqu'un m'a suggéré d'essayer les cours de comédie, je me suis tout de suite dit que l'occasion d'utiliser mon corps et mon cerveau me serait enfin donnée. Je pourrais aussi canaliser mes émotions. J'ai, ainsi, abandonné l'université pour devenir acteur à New York. J'ai obtenu un rôle minuscule dans un James Bond, Dangereusement Vôtre, 30 secondes!
Six mois plus tard, j'ai postulé pour le rôle de Drago dans Rocky IV mais on m'a rétorqué que j'étais trop grand. Je n'ai pas abandonné et j'ai envoyé quelques photos à un ami. Il m'a rappelé pour me dire que je passerai une audition. Les producteurs ont mis six mois à se décider mais , finalement, j'ai décroché le rôle. On était 8000 sur le coup! Après Rocky IV, je me suis rendu compte que j'étais à Hollywood, dans le monde du cinéma, qu'il faudrait que je me batte pour survivre. Je devais faire comprendre à tous que Drago n'était que 3 % de Dolph. Que je pouvais interpréterd'autres personnages que celui d'un tueur. Mon choix suivant s'est donc porté sur Les Maîtres de L'Univers.

M.M : Vous avez été réticent au départ, dit-on...
D.L : Oui. Au départ, je ne voulais pas le faire. J'ai songé "c'est du dessin animé, c'est idiot, je serai piègé...". Et puis j'ai lu le scénario qui n'était pas mauvais. Le réalisateur avait du talent. Tout naturellement, le personnage a commencé à m'intriguer. He-man (Musclor) est le dernier héros ; il est d'une force incroyable et dans le cadre du fantastique, ce qu'il réalise passe bien passe très bien. Si l'action se déroulait entièrement de nos jours le film serait stupide... Pour toutes ces raisons, j'ai fini par accepter. Maintenant Les Maîtres de l'Univers sorti, jai d'autres projets en cours. Mon but est de conquérir Hollywood, du moins plus modestement de devenir ce qu'on appelle un "acteur".

M.M : Et vos muscles, ils viennent d'où?
D.L : J'ai pratiqué le full contact, la boxe française. J'ai même été champion de karaté. Mais tout cela m'a plutôt donné une grande rapidité dans les mouvements. Les muscles sont venus avec Rocky IV ; j'ai pris cinq kilos en soulevant des poids et haltères. Après le tournage, j'ai continué cette pratique. Le karaté m'a beaucoup apporté ; il signifie confiance en soi et discipline. Vous concentrez toute votre énergie sur un point précis du temps et de l'espace. Un sport excellent pour le mental.

M.M : Vous avez dû mal calculer votre coup quand vous avez expédié Stallone à l'hôpital...
D.L : (Rires). La faute nous incombe à tous les deux. Sylvester voulait que le combat ait l'air réel, le plus réel possible. Je ne sais pas comment c'est arrivé, mais la seconde d'après il gisait sur le tapis. Le cinéma, parfois, peut s'avérer dangereux. On ne connaît pas à l'avance les risques exacts de chaque prise.

M.M :Quelle est la différence, selon vous, entre Musclor, le héros des Maîtres de l'Univers et les autres gros bras de ce type?
D.L : Musclor est tout d'abord un être vulnérable. A l'inverse de Superman, on peut le blesser, lui faire du mal. Il doit pour gagner être rapide, intelligent et fort. Je pense ègalement qu'il a du charme, qu'il est sensible à ce qui l'entoure. Il a l'air doux et agréable à vivre. Il n'effraie pas, c'est aussi un gentilhomme.
Cela n'est pas si facile à interprêter parce qu'il faut s'approcher d'un personnage presque parfait. Il n'est pas un homme et vous ne pouvez pas réduire son image à celle d'un mousquetaire maniant l'épée. Il ne vit pas comme Conan le Barbare. Il possède une dimension plus divine. C'est un prince, un noble.

M.M : Vous ne craignez pas d'être étiqueté "gros bras et pas de cervelles"?
D.L : Bien sûr que cela me préocupe ; je sais que l'industrie hollywoodienne est d'une bêtise insondable. Et d'un cynisme total. Il y a tellement d'argent en jeu que les producteurs ne parlent jamais sur ce qu'il y a réellement en vous. Ce qui prime pour eux, c'est votre image. On doit donc leur montrer que l'on est capable d'un tas de choses. Cela consiste, lorsqu'on vous donne un rôle bien défini, à s'insérer des aspects, des traits qui vous sont propres. De manières à ce que cet apport leur fasse comprendre que vous pouvez passer au cap supérieur. Evidement, c'est aussi à moi de surveiller attentivement la façon dont ma carrière évolue ; en refusant des scripts, en les faisant modifier et en soignant ma publicité. Je n'ai pour l'instant que deux films à mon actif mais je possède déjà un certain pouvoir.

M.M : Et le troisième, sur quoi porte-t-il?
D.L : Il s'agit d'un film produit par la Warner. Il se déroule de nos jours en Angola. C'est plein d'action, assez violent. Mon personnage est, au début, antipathique car il est un véritable tueur, puis il se réveille et voit les choses différement.

 

Extrait de l'entretien avec William Stout

M.M. : quand on voit les Maîtres de l'Univers, on pense immédiatement à la bande-dessinée à cause du style. Après tout, il serait logique que vous réalisiez directement un film...
W.S : Absolument. J'ai moi même écrit une seconde séquelle à Conan et tout récemment une suite au Retour des Morts Vivants, et je suis en train de chercher l'argent pour la réaliser. Je désire être metteur en scène. La transition, je crois, ne sera pas difficile. Non pas que le job de cinèastre soit simple, mais je ne vois pas de problèmes majeurs pour passer du poste de directeur artistique à celui de réalisateur. Ron Cobb et Jean Giraud pourraient très bien faire des films. Quand nous dessinons, nous pensons visuellement mais aussi en termes de séquences.

Mad Movies : Sur les Maîtres de l'Univers, vous avez collaboré avec Moebius. Vous savez qu'il est l'illustrateur et concepteur artistique français le plus connu pour le cinéma.
William Stout : Il est non seulement connu mais c'est l'un des meilleurs concepteur artistique du monde. J'ai rencontré dans le monde du cinéma des gens merveilleux comme Spielberg, Millius, Lucas, mais il n'y a que deux personnes que je qualifierais de génie : Ron Cobb et Jean Giraud/Moebius. J'avais très envie de travailler avec lui et il était également très enthousiaste à l'idée de me rencontrer. J'ai pris certains éléments du film, ceux qui étaient agressifs, difficiles, et qui portaient ce mysticisme dans lequel excelle Jean. C'est lui qui était alors chargé de la conception artistique de ces éléments. Je le laissais libre de faire ce qu'il voulait, je lui indiquais seulement qu'à un moment donné les gens où les objets en question étaient dans tel endroit ou faisaient telle chose. Et il est revenu avec d'incroyables dessins, certains d'entre eux ont été utilisés directement, d'autres ont été modifiés et intégrés au film.


M.M : Si cela peut vous rassurer nous pensons aussi que vous êtes tout à fait capable de mettres en scène...
W.S : Merci du compliment. J'ai commencé à me sentir confiant en story-bordant The Hitcher. C'était comme si j'avais mis le film en scène sur papier. Ils ont d'ailleurssuivi mes dessins de très près. Je sais que la transition ne serait pas malaisée.


M.M : Connaissez-vous le dessin-animé ayant inspiré Les Maîtres de l'Univers?
W.S : Je n'ai vu que quelques photos. Cela paraît, à l'image du jouet, très limité. Nous avons tenté plusieurs approches du personnage de Musclor pour le film et pensé que si celui-ci évoquait le jouet ou le personnage de dessin-animé, il n'aurait pas assez de profondeur. Le spectacle aurait été destiné aux enfants seulement. D'une façon étrange, le film agit en espèce de commentaire de la vie américaine. C'est la clé du film.